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Le Harcèlement (1ère partie)



LE HARCÈLEMENT MORAL
-La violence perverse au quotidien-
M.F. Hirigoyen -ed : Syros- 1998

Mis à jour le 1er janvier 2005

Cet article a été réalisé à l'aide de l'ouvrage ci-dessus. Il s'agit simplement d'un condensé de ce dernier, avec l'ajout de quelques notes personnelles. Je conseille à tous ceux que le sujet intéressent, et qui aimeraient bénéficier des nombreux exemples cités par l'auteur de cet ouvrage, de l'acquérir au plus vite.

Le harcèlement, qu'est ce que c'est ?
Du terme d'origine germanique "harasser", qui signifie "fatiguer à l'excès", et du francique "herser" qui signifie "frapper", le terme harcèlement fut utilisé pour la première fois dans le langage militaire. Il signifiait alors, le fait de tirer dans une zone limitée que l'on sait occupée par l'ennemi, afin d'y créer un sentiment d'insécurité.

Le verbe "harceler" signifie : soumettre à des attaques répétées, à des critiques, ou des moqueries incessantes.

Le harcèlement regroupe aujourd'hui différentes techniques de déstabilisation, parfaitement connues, enseignées et couramment utilisées dans la société contemporaine.

Formalisée, sa définition devînt dès lors étroitement liée avec celles de la perversion et de la perversité.
Perversité = Abus de pouvoir, puis abus narcissique (l’autre perd toute estime de soi) qui peut parfois aboutir à un abus sexuel, la perversité est un ensemble d’attitudes morbides, qui constituent un aménagement défensif contre la psychose ou la dépression. Elle s’exprime dans une froide rationalité combinée à une incapacité de considérer les autres comme des êtres humains. Elle est souvent associée à la prédation.
Perversion = En psychiatrie, ce terme est utilisé pour décrire des pulsions sexuelles déviantes.
Il s’agit d’un comportement, ou d’une propension à rechercher la réalisation d’un comportement, sur un mode pulsionnel. La perversion est également synonyme de prédation.

Le harcèlement a été défini par Heinz Leyman en 1980 ainsi :
« Toute conduite abusive se manifestant par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril l’emploi de celle-ci, ou dégrader le climat de travail. »

En anglais le harcèlement est désigné par le terme mobling ; de mob : foule, meute, plèbe, ou idée d’importuner.
En Suède ce processus est considéré comme une “psychoterreur”.
En france, la législation française a la particularité de ne tenir compte que du harcèlement sexuel.

COMMENT, POURQUOI ?
La relation de harcèlement est une relation perverse : il s’agit d’une violence occulte amenée progressivement, qui tend à s’attaquer à l’identité de l’autre, et à lui retirer toute individualité.
Ce type de violence est socialement souvent niée ou banalisée, en étant réduite à une simple relation de domination.
On assiste alors en général, à une négation de la relation d’emprise qui s’instaure, qui va paralyser la victime, et l’empêcher de se défendre. Cette négation de la violence des attaques et de la gravité des répercussions psychologiques du harcèlement sur la victime est sociale, et c'est justement du fait de cette tolérance, que cette négation va également être utilisée par le harceleur. Ce dernier se défendra généralement en citant des axiomes stériles : "c'est la vie", "la vie est injuste".... Le harceleur parle en fait de son vécu.

La destruction de la victime opère par la fréquence et la répétition des attaques dans le temps, et peut conduire à la maladie mentale ou au suicide. Le harcèlement n'est absolument pas anodin. Tout au contraire, c'est une véritable stratégie, qui vise à détruire l'autre, à le broyer, à l'anéantir.
Ce processus est d'autant plus grave, que le vrai pervers ne lâche jamais sa proie. Ceci est dû au fait qu'il est persuadé d'avoir raison, et au fait qu'il n'a ni scrupule ni remord. Le pervers ne se pose en fait jamais de cas de conscience, il est par ailleurs absolument incapable de faire preuve d'empathie ou de sentiments. Le degré de dangerosité de ce type de personnalité est élevé du fait d'une totale irresponsabilité. En fait le pervers ne perçoit les conséquences de ses pulsions morbides qu'après coup, pour rejeter la responsabilité sur la victime, qui est de toute façon coupable de tout.

LE PERVERS NARCISSIQUE A TOUJOURS, ABSOLUMENT TOUJOURS, UN STATUT SOCIALE PLUS ELEVE QUE SA VICTIME, ET CE STATUT N'EST JAMAIS FANTASME. C'est par exemple le pervers qui a des réseaux sociaux solides, ou bien un homme qui harcelle une femme, ou encore une femme qui harcelle un enfant. Ceci est logique, car on a du mal a imaginer un individu isolé détruire une entreprise, un gouvernement, ou un groupe du fait d'une stratégie de harcèlement qu'il aurait adoptée pour son propre plaisir.
Il existe bien une forme de harcèlement pathologique d'un individu de statut inférieur socialement, envers un individu qui lui est supérieur (généralement du fait de sa notoriété). C'est en fait une pathologie: l'érotomanie. Mais ce type de harcèlement est ouvertement déclaré (car il est justifié par un sentiment amoureux délirant), le harceleur s'identifie toujours, laisse de nombreuses preuves, (lettres d'amour notamment, ou tentatives d'approches physiques histrioniques devant témoins...) et aboutit généralement à la destruction du harceleur, plutôt que de la victime (excepté quelques rares cas de meurtre).

Le véritable harcèlement est en fait tout le contraire de l'érotomanie : discret, invisible, comme le harceleur du fait de son statut social, et de la grande moralité qu'il affiche publiquement, son moteur est la haine, -plus la victime sera appréciée socialement, et plus la haine et la cruauté s'accentueront-, et c'est bien la victime du harcèlement qui va être détruite. Le pervers pourra se justifier le cas échéant lorsqu'il est confronté à une situation critique, en trouvant une légitimité superflu à ses actes, qui résideront principalement dans un defaut supposé de la victime. Si cette légitimité est cautionnée socialement, alors à ce moment là seulement le pervers va afficher publiquement sa stratégie et ses exactions.
En fait, il ne faut voir dans le harcèlement qu'un acte gratuit, permettant au pervers d'assouvir ses pulsions morbides au détriment d'autrui. Ce qui d'ailleurs excite le pervers c'est de chercher, de trouver, de dénoncer, de provoquer, d'accentuer une vulnérabilité chez sa victime, qui est en fait choisit pour sa stabilité, son équilibre, son charisme, sa force de caractère, sa capacité à résister, son aisance relationnelle, ou sa capacité à susciter l'intérêt, le respect et l'affection d'autrui. Ce sont ces caractéristiques que le pervers va s'attacher à démolir par tous les moyens, et notamment en conspuant, en isolant, en humiliant, en avilissant la victime. Une fois la victime isolée et désignée comme anormale, le pervers fait en sorte que toutes ses manoeuvres soient rendu publiques, car la présence de spectateur exite sa haine à l'encontre de la victime devenu vulnérable socialement. Le pervers en profite alors pour afficher son pouvoir, montrer qu'il est au dessus des lois en détruisant qui bon lui semble, en toute impunité. Il confirme en fait son statut social élevé et peut accessoirement tuer tout dénonciateur de ses exactions omnipotentes.

Le pervers est sado-masochiste. C'est aussi un meurtrier potentiel et toujours froid, rationnel, organisé. Il paye d'ailleurs généralement des hommes de main pour effectuer les taches susceptibles de le corrompre.
On retrouve ces traits liés à l'analité dans son intérêt pour la scatologie, le fantasme projectif de l'incorporation anale, un voyeurisme sadique, la violence, l'humiliation, la cruauté, et un rapport à l'argent pathologique. Pragmatiquement, le pervers prend par exemple un vif plaisir à envahir les autres, à voir par exemple les autres jusque dans leur intimité, et notamment aux toilettes, et de préférences avec vu sur l'intimité de la victime. Ceci est extrêmement intéressant car on retrouve toute la dualité qui anime le pervers.
- ambivalence de la perspective adoptée par le pervers: voir l'autre en train de faire ses excréments vu du dessous/l'autre lui chie dessus (ce qui accessoirement peut donner lieu à des représailles)
- ce spectacle lui permet également de voir comment l'autre a abordé le passage du stade anal, c'est à dire le contrôle sphinctérien, passage du don d'amour à la mère, au contrôle fonctionnel non seulement des sphincters, mais également de l'amour, des sentiments, du rapport à l'argent, et de l'omnipotence par la confrontation pour la première fois à la reconnaissance, à la soumission au désir de l'autre, à son altérité, et à son ipséité. Le pervers est en effet un constipé pathologique (pour peu que la victime de son harcèlement ne le soit pas, cela peut également donner lieu à une tentative de vengeance...chez le pervers tout est prétexte à la haine), car personne n'a pu lui faire appréhender la dimension constructive de la loi.

Ainsi chez le pervers tout est exprimé dans la dualité et la dichotomie, ce qui en fait un sujet très sensible au mysticisme et à la religion:

- voyeurisme, impossibilité de se remettre en cause/exposition publique histrionique permanente, notamment à son paroxysme via une recherche pseudo-fonctionnelle médiatique à visée narcissique: professions du spectacle, politiques, ou pour les hystériques exposition de leurs ébats sexuels sur internet (absence de plaisir=absence de vice)
- Rapport à l'argent : alternance dépenses irrationnelles/avarice tout aussi irrationnelle (inaptitude à la gestion et au profit)
- évitement du conflit où existe un risque de remise en cause/goût prononcé pour des polémiques stériles
- évitement de l'affrontement directe en toutes circonstances/goût prononcé pour la violence à l'encontre d'autrui (le plaisir du pervers est alors sournois).
- indifférence, absence d'empathie, absence de culpabilité, d'éthique, de principes, irresponsabilité/goût prononcé pour la dévotion, l'hypocrisie, le mysticisme, les grands sentiments, l'idéalisation. On retrouve cela dans son discours de manière omniprésente.
- Sociabilité exubérante/sentiment de solitude intérieure persistante.
- grande suggestibilité, soumission/caractère fort en apparence, égoïsme, esclavagisme, fascisme
- ultra normativité/absence de repères
- inaptitude à l'innovation et à la création, absence de sensibilité artistique (pas d'accès au signifiant, le pervers se contrôle ce qui fait qui ne peut se laisser envahir par les sentiments que peuvent lui inspirer une oeuvre), indifférence à l'harmonie/propension aux rêveveries et aux contemplation stérile, à la recherche de sens mystiques parfois morbides (recherche du signifié), goût prononcé pour la destruction, tolérance élevée à l'incohérence.
- médiocrité intellectuelle/workholic compensatoire
- goût affiché pour l'ordre, la propreté, la vertu/goût prononcé pour le désordre, la saleté, le vice, la cruauté
- vif intérêt pour les perversions sexuelles/rejet de la génitalité (le plaisir du pervers réside dans la destruction d'autrui y compris au niveau de sa sexualité. Ce n'est pas la possession, le partage, le jeu qui procurent du plaisir au pervers, mais la destruction)
- trouble identitaire, ce sont les autre qui le définissent d'ou son instinct grégaire/affiche une conscience élevé mais purement formelle des rôles, et des genres
- attachement affectif total spontané/rejet haineux tout aussi spontané
- hyperdépendance infantile qui se révèle souvent lors des ruptures/instabilité affective, et relationnelle
- intolérance au manque, à la frustration, agressivité, absence totale d'humour, excepté si c'est au détriment d'autrui/détresse, dépression, soumission, apparente stabilité émotionnelle, absence de limite (le pervers n'a pas d'humour, il ne connaît pas le second degré, et il ne connait pas la loi ).
- logique affective d'instrumentalisation, d'objectalisation, c'est à dire sans considération pour l'autre, sans contrepartie synonyme de destruction/égocentrisme, narcissisme défaillant

Tout le monde partage ces caractéristiques à différent degré, excepté que chez le pervers tout cela est pathologique. Cela n'empêche pas le pervers de conserver une excellente adaptabilité sociale, cependant il montre le mauvais exemple, et suscite l'angoisse. Un pervers pourra par exemple organiser un viol sous GHB à l'encontre d'une personne, sans pouvoir se contrôler. Il ne s'apercevra à aucun moment du fait qu'il dérape et c'est seulement après coup qu'il se rendra compte qu'il est le seul qui continue à rire de plaisir, les autres riant d'angoisse, devenant confus. Si jamais au passage il enfreint toute les lois, comme par exemple la constitution des droits de l'homme, alors la faute sera rejeté sur la victime, et pour peu qu'il ait un certain statut social, alors il y a de grande chance pour que la victime soit socialement tenu responsable des excès de son bourreau, avec l'aide de quelques institutions si cela est nécessaire.
Le pervers ne sait pas se détendre en fait. Il n'y a pas de juste milieu dans ses attitudes. Ou il contrôle tout, ou il se lâche complètement avec tous les risques et toutes les conséquences que cela comporte pour la victime et pour son environnement.
Bref le pervers fonctionne sur le mode du TOUT ou RIEN, et on verra que le but du harcèlement est d'amener la victime à devenir comme lui, ou elle, peut être afin que l'amour soit enfin possible. Cependant pour le pervers, aimer c'est détruire, et peu de victime finissent par aimer leur persécuteur.

Concernant le harcèlement à proprement dit, il est progressif.
Dans un premier temps, le harcèlement va viser la sociabilité de l'individu. Le harceleur pour cela va utiliser la dramatisation et le dénigrement public de la victime, généralement sur le thème de la folie, et sur une base projective. Il va remettre par exemple en doute systématiquement, l’honnêteté de la victime, après avoir été lui-même malhonnête.
La violence perverse une fois le sujet isolé va alors pouvoir apparaître, tout particulièrement à distance dans un premier temps (téléphone, email…)
N.B.: Il est absolument inutile d'enregistrer les conversations privées sans l’accord de l’intéressé, car cela n’a en france aucune valeur juridique.
Cette situation juridique favorise le harceleur dans l'amorce de sa stratégie: pas de regard, pas de corps physique, l’agresseur utilise son arme favorite, les mots pour blesser sans laisser de traces.

Suite à cette violence distanciée, le pervers adapte son comportement notamment par le refus de communication directe avec la victime, le refus du conflit ou de la confrontation, et la dénégation de ses actes. Le partenaire par exemple dans le cadre d'un couple se trouve alors obligé de faire les demandes et les réponses et, s’avançant à découvert commet évidemment des erreurs (en fait tout sera interprété par le pervers à son profit) qui sont relevées par l’agresseur pour pointer la nullité de la victime. Quoi que la victime fasse ou dise, tout est de toute façon retourné contre elle par le persécuteur.
Le but de la manoeuvre est de la désarçonner, de la pousser à la confusion totale et à la faute.

La victime se justifie car elle culpabilise, et tente d’expliquer au pervers ce qu’il a déjà compris. Ceci est possible car la victime va rechercher en permanence ce qui lui est reproché, afin d’essayer de faire amende honorable, de reconnaître son erreur et de s’en excuser.
Le pervers niera toujours l’existence des faits, en s’appuyant sur l’absence de preuve de la victime qui va être déclaré interprétative, paranoïaque ou fabulatrice. Si la victime ne se met pas en faute par des réactions excessives, les insinuations et la médisance pour la disqualifier peuvent continuer indéfiniment.

La situation de harcèlement est consécutive non d’un malentendu, mais du comportement pathologique du harceleur, qui entraîne chez la victime un comportement pathologique, la moindre faille étant exploitée par le pervers.
L’agression perverse est toujours calme, réfléchie, rationnelle, programmée, le pervers en étant rarement à son coup d’essai. Mais la victime va la vivre comme si celle-ci était seulement le fruit de son imagination, car elle repose sur beaucoup de non dit et amène le doute sur son propre ressenti. Parler, s’exprimer est primordial, car c’est sortir de l’emprise, c'est oser mettre en doute les vérités imposées par l’agresseur.

La naissance du harcèlement est donc anodine et sa propagation insidieuse.
De son coté, dans un 1er temps, la victime ne va pas se formaliser et va prendre à la légère, piques et brimades.
C'est seulement lorsque ces attaques vont se multiplier et que la victime se retrouve régulièrement acculée, mise en état d’infériorité, ou soumise à des manoeuvres hostiles et dégradantes pendant une longue période, que celle-ci va réagir.

C'est à ce moment là que l'environnement social va pouvoir jouer un rôle prépondérant. En effet, le harcèlement est un type d’interaction asymétrique destructeur qui ne fait que s’amplifier si personne n’ose intervenir. Pour que cela cesse, il suffit simplement que quelqu’un réagisse d’une façon saine, ce qui suppose un certain courage. Dans le cas contraire la victime aura le sentiment d’être tout simplement exécutée socialement, avec l’accord de tout le groupe, ce qui renforce le risque de suicide.

Il est facile de reconnaître une situation de harcèlement, car la différence est flagrante entre un conflit suivi d’excuse, et la répétition de vexations et d’humiliations sans nuance.
Une situation de crise peut stimuler un individu, alors qu’une situation de violence perverse tend à anesthésier ce dernier.
Le harcèlement est aussi un phénomène circulaire, a savoir, une suite de comportements délibérés de la part de l’agresseur, destinés à déclencher l’anxiété de la victime. Celle-ci va alors adopter une attitude défensive, ce qui va générer d’autres agressions.
Un phénomène de phobie réciproque apparaît après un certain temps lorsque les protagonistes sont souvent en contact: sentiment de rage chez le pervers / sentiment de peur chez la victime.
Cette dernière entraîne chez la victime des comportements pathologiques (fuite, dépression...) qui serviront d’alibis pour justifier rétroactivement l’agression. La rage provoquée par la victime chez le pervers, l’amènera lui aussi à adopter l’évitement comme stratégie.


I EN ENTREPRISE

Le harcèlement est objectivement contre-productif. C’est en effet un processus qui favorise la baisse de la productivité, l’absentéisme, et qui naît de la rencontre de l’envie de pouvoir et de la perversité.
Les harceleurs, dans un but de toute puissance, se servent consciemment ou non de procédés pervers qui ligotent psychologiquement les victimes et les empêchent de réagir. Ce sont généralement des individus avides de pouvoir, qui craignent l’affrontement. Ils utilisent donc de préférence des procédés indirects, comme les manipulations sournoises ou sadiques pour obtenir le pouvoir.
Ces mêmes procédés qui ressemblent à des pièges ont d’ailleurs été utilisés dans les camps de concentration et continuent à être de rigueur dans les régimes totalitaires. Pour garder le pouvoir et contrôler l’autre, le pervers utilise des manoeuvres tortueuses qui deviennent de plus en plus violentes si l’employé résiste.
- on lui retire tout sens critique (qui a tord / qui a raison ? confusion)
- on le stresse, on le houspille, on le surveille, on le chronomètre : la victime se sent en permanence sur le qui vive.
- la communication avec la victime est réduite au minimum, et ne concerne jamais la violence subie par la victime.

Dans le harcèlement, il y a toujours un consentement laxiste du système. Cela est d’ailleurs toujours préjudiciable au système. L’entreprise devient alors victime à son tour des individus qui la dirigent. Elle est vampirisée par des prédateurs dont l’unique souci est de se maintenir dans un système qui les valorise.
Les entreprises peuvent être complaisantes vis à vis des abus de certains individus, du moment que cela n’entrave pas le profit et que cela n’engendre pas trop de révolte. Mais alors la logique du travail s'en trouve transformée. L'entreprise pourraient permettre aux individus de s’épanouir, elle ne fait souvent que les briser.
Plus l’entreprise est complaisante, et plus la perversion fait des émules qui ne sont pas eux même pervers au départ, mais qui perdent progressivement leurs repères, qui se laissent convaincre par ce mode de fonctionnement.
Ils ne trouvent alors plus choquant qu’un individu soit traité de façon injurieuse. La frontière entre “houspiller” pour stimuler et harceler réside dans le respect de l’autre.

Cette complaisance est souvent le fait de l'employeur lui-même, qui va favoriser le harcèlement en traitant ses employés comme des enfants, ou en les considérants comme des “choses”, corvéable à souhait.
Ces employeurs pervers demandent alors le maximum aux salariés sans aucune reconnaissance en retour, en faisant en sorte par exemple que les employés ne restent pas trop longtemps au même poste, afin d’éviter qu’ils n'acquièrent trop de compétences. L’employé est maintenu dans en état permanent d’ignorance, d’infériorité et de VULNERABILITE(ce terme est important car la vulnérabilité excite le pervers). Toute originalité ou initiative personnelle dérange. On casse les élans et les motivations en refusant toute responsabilité et toute formation.
Parfois on demande aux employés de faire leur autocritique au cours de réunions hebdomadaires, transformant ainsi les groupes de travail en humiliation PUBLIQUE. (ici aussi ce terme est important: le pervers a besoin d'un public)
L’individu ne compte pas, ainsi que son histoire, sa dignité ou sa souffrance.
Un système de représailles peut aussi être mis en place, qui amènera souvent l’employé à refuser un arrêt de travail proposé par un médecin.
Un fois ce protocole bien établie, plusieurs méthodes vont pouvoir être utilisées pour se débarrasser le cas échéant d’un salarié dérangeant, même si l’on n’a rien à lui reprocher.
- Une restructuration de service entraîne la suppression de son poste; on peut faire alors un licenciement économique.
- On lui donne une tache difficile et on cherche ses faiblesses pour pouvoir ensuite le licencier pour faute.
- On peut aussi le harceler psychologiquement pour le faire craquer et, pourquoi pas, l’amener à donner sa démission. Dans une entreprise où l’ambiance est malsaine, les employés les plus récemment arrivés sont toujours les plus exposés en cas de clash.

Le pervers n’attaque pas forcément quelqu’un qui est fragilisé. Il peut créer la fragilité afin d’empêcher l’autre de se défendre, ou accentuer celle d’un employé déjà fragilisé par une cause extérieure au travail.
La technique est toujours la même, on utilise les faiblesses de l’autre et on l’amène à douter de lui-même afin d’anéantir ses défenses. C’est un procédé habituellement utilisé et même valorisé dans le monde des affaires ou de la politique, et le pervers est toujours à l’affût de la vulnérabilité.
Pour peu que les paroles, les rumeurs et les attaques du pervers viennent faire écho à une fragilité identitaire, ou à un manque de confiance antérieur, (comme par exemple hors entreprise, lorsqu’elle s’adresse à un enfant dans une famille pathologique), ces attaques sont alors incorporées par la victime qui les accepte comme vérités.

2 phénomènes coexistent dans cette guerre psychologique :
- l’abus de pouvoir
- la manipulation perverse

L’abus de pouvoir est le fait d’un supérieur hiérarchique qui agresse ses subordonnés en profitant de son statut, du fait de ses carences naturelles pour diriger un groupe. Généralement ce type de management de la part d’une brebis galeuse, se propagera en cascade dans tout le groupe.
Le pervers profite aussi de la docilité des gens dans un groupe pour s’imposer et faire souffrir autrui. Il en retire une jouissance jubilatoire extrême.
Il sait aussi que cela lui permettra d’accéder au pouvoir et de s’y maintenir, pour peu qu’il soit prêt à utiliser n’importe quel moyen. L'abus de pouvoir lui permet également de masquer sa propre incompétence.
Cette logique d’abus de pouvoir où le plus fort soumet l’autre, se fait dans le groupe par la prise de la parole, via la saturation et la maîtrise des canaux de communication.
Donner l’impression de savoir mieux, de détenir “La” vérité est le but.
Le discours du pervers est totalisant, dans la mesure où il énonce des propositions qui paraissent universellement vraies.
Le pervers sait, il a raison et essaie d’entraîner l’autre, les autres sur son terrain en l’amenant à accepter son discours. Un processus de domination s’instaure: la victime se soumet, elle est subjuguée, contrôlée, déformée.
Si elle se rebelle, le pervers pointera son agressivité et sa malignité. Qu’elle se rebelle ou non, il se met de toute façon en place, un fonctionnement totalitaire fondé sur la peur, et qui vise à obtenir l’obéissance, et notamment l’annihilation de tout esprit critique, et la négation de toute différence, de toute affirmation de soi..

Il peut arriver que le harcèlement ne soit pas le fait d'un employeur mais d'un collègue, qui peut agresser un autre collègue. Ceci est une tendance au nivellement absolument normal au sein des groupes. La différence y est en effet toujours mal supportée.
C’est en fait ce même moteur qui va animer le harcèlement: le sentiment d’envie à l’égard de quelqu’un qui possède quelque chose que les autres n’ont pas (beauté, jeunesse, richesse, qualités relationnelles)
Il peut aussi trouver sa source dans les inimitiés personnelles liées à l’histoire de chacun des protagonistes ou dans la compétitivité, l’un essayant de se faire valoir aux dépens de l’autre. Le plus souvent ce processus est renforcé par l’incompétence des petits chefs.

Un grand nombre de responsables hiérarchiques ne sont pas en effet des managers, des leaders.
Dans une équipe, on désigne généralement comme responsable celui qui est le plus compétent sur le plan professionnel et non celui qui sait le mieux diriger.
De ce fait, il est fréquent de voir des managers, sans aucune conscience des problèmes humains qu’impliquent leurs responsabilités.

Un autre type de harcèlement dans l'entreprise : un supérieur agressé par des subordonnés; Ceci n’est pas anormal lorsqu’il s’agit d’une promotion interne. Mais là encore, il s’agit d’une erreur stratégique de la part de la hiérarchie.

L’abus de pouvoir et la perversion apparaisse davantage lorsqu’un supérieur agresse un subordonné.
Si la victime réagit et tente de se rebeller, la malveillance latente fait place à une hostilité déclarée. Commence alors la phase de destruction morale (psychoterreur). Là tous les moyens sont bons, y compris la violence physique pour démolir une personne désignée. Dans cette violence, l’intérêt de l’entreprise est perdu de vue par l’agresseur, qui veut uniquement la perte de sa victime.

Dans le fonctionnement pervers, il n’y a pas que la quête du pouvoir, il y a surtout une grande jouissance à utiliser l’autre comme un objet, en position d’impuissance, pour ensuite le détruire en toute impunité. Tous les moyens sont bons pour cela, même et surtout si cela se fait au détriment des autres. Rabaisser les autres afin d’acquérir une bonne estime de soi parait légitime et naturel au pervers car , il n’a aucun respect envers autrui.
Ce qui frappe, c’est l’animosité sans borne du pervers pour des motifs futiles, et son absence totale de compassion pour les personnes acculées à des situations insupportables. Plus la personnes deviendra vulnérable et plus l'intérêt du pervers sera excité.
L’entourage peut alors jouir de façon sadique du spectacle de cette destruction, si ce n’est pas par lâcheté, ou par crainte de devenir cible à son tour.

Dans une relation normale, il est toujours possible au besoin par le conflit, de mettre une limite à la toute puissance de l’autre pour imposer un équilibre des forces. Mais un pervers manipulateur ne supportant pas la moindre opposition à son pouvoir, transformera une relation conflictuelle en haine, au point de vouloir la destruction de son collaborateur.
On pourra noter que parfois l'accroissement soudain du pouvoir statutaire d’une personne, rend parfois pervers, surtout lorsque la personne concernée a le sentiment que l’exercice de ce dernier ne sera pas régulé.

Concernant le sort des victimes: la menace du chômage permet d’ériger l’arrogance et le cynisme en méthode de management, mais la peur du chômage en entreprise n’explique pas seule la soumission des victimes. Dans un contexte concurrentiel, la confusion ambiante peut aussi être utilisée pour démolir quelqu’un en toute impunité.

Dans un système économique compétitif, de nombreux dirigeants ne font plus face et ne tiennent plus que grâce à un système de défense destructeur, refusant de prendre en compte les éléments humains, fuyant leurs responsabilités et dirigeant par le mensonge et la peur.
Dans ce type de contexte, les conflits naissent alors plus facilement au sein des groupes de travail sous pression. Les nouvelles formes de travail qui visent à accroître les performances des entreprises, en laissant de coté tous les éléments humains, sont génératrices de stress, et créent les conditions favorables à l’expression de la perversité.
La désorganisation peut aussi favoriser l’abus de pouvoir, notamment au sein des administrations.

Ci dessous, quelques signes de désorganisation dans une entreprise :
- une mauvaise définition des rôles
- un climat organisationnel instable
- une absence de concertation
- la lourdeur de certaines administrations ou entreprises très hiérarchisées qui permet à certains individus avides de pouvoir de s’acharner contre d’autres individus en toute impunité.
- l’entreprise qui encourage les méthodes perverses
- une déshumanisation des rapports de travail

De la même façon, les outils couramment utilisés dans le harcèlement en entreprise sont bien identifiés :

- Disqualifier : retirer à quelqu’un toute qualité, lui dire et lui répéter qu’il ne vaut rien jusqu’à l’amener à le penser, accessoirement en l’agressant, mais jamais ouvertement, pour éviter de donner l’occasion à la victime de répliquer. La disqualification est pratiquée de façon sous-jacente dans le registre de la communication non verbale : regards méprisant, soupirs excédés sous-entendus, allusions déstabilisatrices ou malveillantes, remarques désobligeantes, critiques indirectes dissimulées dans une plaisanterie, ou dans des railleries protéiformes.
La victime ne pourra contre attaquer, car elle doute de ses propres perceptions, elle n’est pas sûre de ne pas exagérer son ressenti. Le doute, puis la perte de confiance en soi, et envers les autres ensuite, l’amèneront à renoncer à se défendre.
La disqualification consiste aussi à ignorer la victime de manière ostentatoire, devant autrui, ou à en parler comme d’un objet, à le traiter comme un objet.
Pousser l’autre à la faute est un moyen habile pour disqualifier quelqu’un. Cela permet de rabaisser et de critiquer, et de générer une mauvaise image de la victime pour elle-même. La provocation et le mépris peuvent cependant amener la victime à devenir impulsive ou agressive.
La disqualification peut s’étendre ensuite, en faisant participer l’entourage, la famille, les amis, ou les connaissances de la victime.

- Discréditer : ridiculiser, humilier, couvrir de sarcasmes, donner un surnom ridicule, se moquer d’une infirmité ou d’une défaillance, les calomnies, les mensonges, les sous-entendus malveillants. Le pervers s’arrange pour que la victime sache, sans qu’elle puisse pour autant se défendre. Lorsque la victime craque, s’énerve ou déprime, cela justifie pour le pervers le harcèlement à posteriori.

- Isoler : il est nécessaire pour détruire l’autre, de casser toutes alliances possibles. Quand on est seul, il est beaucoup plus difficile de se rebeller, surtout si on vous fait croire que tout le monde est contre vous.
Diviser pour mieux régner est un axiome du pervers.
Le pervers excelle dans l’art de monter les gens les uns contre les autres, de provoquer des rivalités, des jalousies. La jouissance suprême pour un pervers est de faire accomplir la destruction d’un individu par un autre et d’assister à ce combat d’où les deux sortiront affaiblis, ce qui renforcera sa toute-puissance personnelle.
Dans une entreprise cela se traduit par des rumeurs, des insinuations, ou des préférences affichées, par le fait d’accorder des privilèges à certains employés, et le fait de faire varier ses préférences.
Le travail de déstabilisation peut être ainsi le fait de collègues envieux et le véritable agresseur pourra dire qu’il n’y est pour rien.
Provoquer la jalousie chez l’autre par exemple, est une façon pour le pervers de se maintenir hors du champ de la colère et de la haine. En amenant l’autre à devenir jaloux, le pervers qui est fondamentalement envieux, amène autrui sur le même plan que lui.
Quand l’agression vient de la hiérarchie, la déstabilisation est générée par la privation d’information et l’isolement. Plus tard, c’est la mise en quarantaine, on ne donne plus de travail à la victime, sans pour autant l’autoriser à avoir une autre occupation, ou à partir plus tôt.
L’isolement fait partis du processus, afin de rendre la victime acariâtre. L’entourage aura alors un jugement négatif de la victime, ce qui accentuera l’isolement.

- Brimer : consiste à confier à la victime des tâches inutiles ou dégradantes, fixer des objectifs impossibles à tenir, pour finir par voir le travail effectué, dénigré ou tout simplement jeté à la poubelle (un rapport par exemple).
Cela peut être aussi des agressions physiques, sous forme de négligences susceptibles de provoquer des accidents, voir la mort (se méfier de toute installation électrique, ou de lourdes charges placées en hauteur).

Le monde du pervers narcissique est dichotomique.
Les agressions commence sourdement, en donnant le sentiment à la victime qu’elles sont dues au hasard ou qu'elles sont légitimes.
Elles s’accompagnent de menaces toujours indirectes ou voilées.
Le pervers tue à petit feu. C’est la torture de la goutte chinoise, ou l’étouffement, avec relâchement lorsque la victime est au bord du suicide. Le pervers préfère que la victime se tue plutôt que de la tuer directement.
Les marques d’hostilités sont constamment présente, permanente, par petites touches lancinantes, pendant plusieurs années. Si la pression se relâche lorsque la victime est sur le point de se suicider, c’est parce que le pervers sait aussi jusqu’ou il peut aller, et il souhaite pouvoir se défendre de ne pas avoir pousser la victime au suicide peut avant qu’elle ne passe à l’acte. Ce relâchement est aussi une question qu’il adresse à la victime : en as-tu assez ? Est-ce qu’on continue ou est ce que tu te suicides maintenant ?
Dans la même optique, le pervers a au préalable testé sa victime dans toutes les situations possibles. Il essaye de tout contrôler, toujours. Il sait alors pertinemment quand s’arrêter. Pour le mettre en défaut, la victime n'a comme seul recours que de tenter de faire perdre pied au pervers. Furieux, ce dernier va se lâcher, se découvrir et se trahir publiquement, ce qui l'amenera à afficher une attitude décomplexée.

Cette violence est préméditée de la même façon qu’un animal prédateur pourrait le faire avec sa proie. C’est également une violence asymétrique, l’agresseur se considérant comme supérieur à la victime. (Si le pervers considère que cette dernière a quelque chose de plus, c’est de toute façon pour penser que cela n’est pas mérité. Il est supérieur et souhaite le montrer) Ce sentiment de supériorité lui permet de justifier l’absence de confrontation directe avec sa cible -et de ne pas avoir à s’avouer sa lâcheté et sa fourberie-.

Reynaldo Perrone dans “violence et abus sexuels dans la famille”, parle de violence punition. Aucun des acteurs ne parle alors de cette violence. Elle est tabou. Celui qui inflige la souffrance estime que l’autre la mérite et n’a pas le droit de se plaindre.
Il y aura une escalade de la violence devant toute plainte, ou toute trace d’émotion, considérés comme une marque de faiblesse par le pervers. On retrouve ces mécanismes dans l'entreprise à l'identique.

Après l’inhibition de la victime, le pervers provoque en elle des sentiments, des actes des réactions par des mécanismes d’injonction.
Pousser l’autre à la faute, permet de le critiquer ou d’avoir une bonne raison de le rabaisser, mais surtout cela donne à la victime une mauvaise image d'elle-même, renforçant ainsi sa culpabilité.

Lorsque la victime perd le contrôle d’elle-même, le mépris et les provocations permettront d’obtenir un passage à l’acte (crise de nerfs, dépression, violence, raptus notamment), qui sera ensuite facilement utilisé par le pervers pour adopter immédiatement lui-même le statut de victime.
Ces provocations permettent accessoirement d’offrir en spectacle la victime, et de faire intervenir des gens étrangers à la stratégie mise en place. Ces innocents ajouteront en faites du crédit par leur témoignage à l’instabilité ou à la dangerosité de la victime, qui n’a eu que le malheur de craquer nerveusement.

Acculé à réagir de manière impulsive, la victime sera automatiquement “psychiatrisée” au pire, au mieux perdra la confiance de tout le monde.
Etiquetée la victime essaiera de se justifier comme si elle était réellement coupable.

Le plaisir du pervers s’accroît dans ces cas là, en évoquant après coup, l’humiliation de la victime, comme pourrait le faire quelqu’un d’absolument étranger à la situation qu’il a créé. Il mise totalement sur la folie flagrante de la victime qu’il a simplement poussé au déséquilibre en permanence, et ceci quelle que soit les conséquences pour la victime (suicide réussi, passage à l’acte hétéro-agressif ou psychiatrisation)

L’idéal pour le pervers est de parvenir à ce que l’autre devienne mauvais, ce qui le rendra duplique au yeux d’autrui. Il n’a pas de plus grande satisfaction que lorsqu’il entraîne sa cible à devenir destructrice (agressivité à l'encontre des autres)à son tour, ou qu’il amène plusieurs individus à s’entre-tuer.
Les pervers cherchent à entraîner les autres dans leur registre puis à les amener à pervertir les règles. Leur force de destruction tient beaucoup à la propagande qu’ils font pour démontrer à l’entourage à quel point l’agressé est mauvais, et qu’il est donc normal de s’en prendre à lui.

Si la victime réagit en sollicitant l’aide d’un tiers (comme la justice par exemple), celui qui au départ initiait la violence, se pose alors en victime.


LE HARCELEMENT SEXUEL
C’est l’étape suivante du harcèlement moral. Il concerne les deux sexes. Il s’agit d’une véritable objectalisation de l’individu, considéré comme étant à disposition. Refuser cet état entraîne humiliations et agressions.
L’autre est utilisé comme un objet dans la perversion morale comme dans la perversion sexuelle. Autre point commun : le déplacement de la culpabilité sur la victime. Le pervers se sert de la culpabilité de cette dernière, et de sa propension à intérioriser celles des autres.

Différents types d’attitudes ont pu être identifiées :
Le harcèlement de genre : négation des femmes.
Le comportement séducteur.
Le chantage sexuel.
L’attention sexuelle non désirée.
L’imposition sexuelle.
L’assaut sexuel

La relation de harcèlement dans ce cas se met en place en deux phases,
L’une de séduction
L’autre de violence manifestes

Racamier a appelé la première phase “décervelage”
Le séducteur détourne la victime de la réalité, et opère par surprise, en secret.
Il n’attaque jamais de manière frontale mais de façon indirecte afin de capter le désir de l’autre, d’un autre qu’il admire, qui peut lui renvoyer une bonne image de lui-même.
La séduction perverse se fait également en utilisant les instincts protecteurs.
Cette séduction est narcissique : par une séduction à sens unique, le pervers cherche à fasciner sans se laisser prendre. Pour J.Baudrillard, la séduction conjure la réalité et manipule les apparences. Elle est de l’ordre des signes et des rituels.
La présence de l’autre est vécue comme une menace, pas comme une complémentarité.

Cette “démentalisation” dévalorise et disqualifie l’individu, mais diffuse également à l’entourage. Tout le monde peut se trouver dans un état de grande confusion.
Elle peut parfois se dérouler sur plusieurs années. Ce processus de séduction préparatoire, vise à déstabiliser la victime, et à faire en sorte que celle-ci perde confiance en elle-même.
Il s’agit d’abord de la séduire, puis de l’influencer afin de la mettre sous emprise, lui retirant en cela toute parcelle de liberté.
Dans un sens juridique, la séduction consiste à corrompre et à subordonner la victime lui retirant ainsi tout libre arbitre.

L’influence consiste à amener quelqu’un à penser, décider, ou se conduire autrement qu’il ne l’aurait fait spontanément, sans qu’il ne puisse argumenter.
Le processus d’influence est pensé en fonction de la sensibilité et des vulnérabilités de la victime. Le but est par contre toujours le même, a savoir de retirer tout sens critique, toutes capacités de défense de la victime, en éliminant ainsi toute possibilité de rébellion.

La violence manifeste ou l’emprise, se met en place ensuite grâce au mensonge.
C’est une relation de domination intellectuelle ou morale.

Il y a trois dimensions principales dans l’emprise :
-une action d’appropriation par dépossession de l’autre
-une action de domination où l’autre est maintenue dans un état de soumission et de dépendance.
-une dimension d’empreinte où l’on veut laisser sur l’autre une marque.

Parce qu’elle neutralise le désir de l’autre, parce qu’elle abolit toute sa spécificité, l’emprise comporte une indéniable composante destructrice.
La victime se soumet sans consentement : elle est chosifiée. Sous l’emprise, elle finit par penser comme son agresseur. Elle n’a plus de pensée propre.

La stratégie perverse soumet l’autre petit à petit, afin de le garder à disposition.
Si le partenaire résiste, les manoeuvres d’abord anodines, deviennent de plus en plus violentes. Il faut qu’il y ait suffisamment de résistance pour que le pervers ait envie de poursuivre la relation, mais pas trop pour qu’il ne se sente pas menacé.

Dans le cadre d'un couple ou de la famille, au départ les victimes obéissent pour faire plaisir à leur partenaire, ou pour le réparer narcissiquement, ensuite elles se soumettent, ou obéissent parce qu’elles ont peur.
Comme le pervers donne peu et demande beaucoup, un chantage implicite apparaît ou tout du moins un doute possible : celui d’être reconnu par le harceleur autrement que comme un objet marchandisable si l’on se soumet. Ce type de réponse n’est pas adapté, car le pervers ne peut être comblé. Au contraire, la victime recevra en retour haine et sadisme.

La rébellion
Cependant résister à l’emprise, c’est également s’exposer à la haine, car dans ce cas l’objet utile devient, objet dangereux et la stratégie perverse va pouvoir se dévoiler au grand jour.
Le sujet lorsqu’il réagit, en essayant de se poser en acteur social et de récupérer un peu de sa liberté, va de la même façon accroître la haine. Si beaucoup de spectateurs du harcèlement se mettent à apprécier la victime, idem, la haine du persécuteur va s'accroître.

Mais la haine atteindra son paroxysme, au moment où la victime va donner l’impression d’échapper à son asservissement. L’agresseur va alors éprouver un sentiment de panique et de fureur, et va se déchaîner, et par la même occasion s'exposer.
L’agresseur se connaît aussi malgré tout assez peu lui même et le fait d’être pointer du doigt avec une certaine justesse par la victime va également l'excéder. Le pervers jouit en fait de voir son altérité enfin reconnue. Mais ses défauts le font souffrir, car il se croit parfait, et ne supporte pas qu’on lui rappelle, ou qu’on lui apprenne quoi que ce soit concernant les défaillances de sa personnalité.

Quelle que soit la forme de rébellion choisie par la victime, le but du pervers va être de la faire taire. La haine va s'exprimer alors dans une extrême violence, faite d’humiliations, de coups bas, d’injures permanentes, de représailles…le pervers se protège en fait de ce qu’il craint le plus : la communication.

La haine existait déjà lors de la phase d’emprise. Mais celle-ci restait voilée afin de préserver la crédibilité sociale, et la moralité supérieure ostentatoire du pervers.
Dans l'accroissement de la haine, on n'assiste pas nonobstant les apparences à de l’amour qui se transforme en haine, mais à de l’envie masquée qui éclate au grand jour.

Lacan, Maurice Hurni et Giovanna Stoll parlait de haine de l’amour pour décrire la relation perverse.
Le pervers veut s’approprier ce que la victime représente, ce qu’elle a de plus, ce qu’elle incarne à ses yeux ou aux yeux des autres.
Quand la haine de la victime s’exprime franchement c’est avec le souhait de l’anéantir. Ceci est justifié par un sentiment de persécution exprimé par le pervers -persécuté par les attributs supposés supérieurs de la victime-. Le pervers se considère en fait en état de légitime défense.
Comme chez le paranoïaque, apparaissent alors chez lui des idées de préjudices, de persécution. Son anticipation sur les réactions de défense attendues de la victime l'amenant rapidement à avoir des conduites délictueuses et à fonctionner sur un mode procédurier.

II DANS LA FAMILLE

En ce qui concerne les mauvais traitements psychologiques à enfants, ont été répertorié :
Les violences verbales.
Les comportements sadiques et dévalorisant
Le rejet affectif
Les exigences excessives ou disproportionnées par rapport à l’age de l’enfant
Les consignes et injonctions éducatives contradictoires ou impossibles

La violence directe est un rejet conscient ou inconscient par un des parents, qui déclare agir pour l’intérêt de l’un de ses enfants. Les agressions sont tellement banalisées au travers de mots et de gestes ordinaires, qu'en définitive l'enfant n'aura jamais objectivement de quoi se plaindre. Note: une des manières d’exprimer cette violence : donner des surnoms.

L’enfant est en fait considéré comme persécuteur, et responsable de tous les maux par le parent rejetant, et cet état va être intériorisé par l'enfant.
C'est cette intériorisation par l’enfant non désiré de sa destruction, qui va alors engendrer un comportement autodestructeur.
Ex : un enfant harcelé pour des maladresses supposées, devient maladroit ce qui accentue la violence; en fait au départ il était normal.

Le parent brise en fait l’étincelle de vie qui lui fait défaut. Il brise la volonté de l'enfant, casse son esprit critique et fait en sorte qu’il ne puisse juger son parent. Cette situation doit lui paraître normale et c'est également ce qui va être intériorisé par l'enfant.
Les enfants ressentent en fait leur non conformité au désir du parent, ou qu’ils n’ont pas été désirés. Une culpabilité va alors apparaître, constituant une tentative de réparation narcissique du parent, une tentative de se conformer à son désir. C’est peine perdue. Quoi que l’enfant fasse, toutes ses attitudes lui sont reprochées.
La violence perverse se transmet d’une génération à l’autre. Tout ce qui n’a pas été métabolisé pendant l’enfance se trouvera rejoué dans des passages à l’acte perpétuels à l’age adulte. La haine ne s’arrête jamais, car il s’agit d’un processus autonome qui une fois enclenché se perpétue dans le registre des convictions délirantes.

L’enfant de formulera pas de plainte de mauvais traitement, mais sera en quête permanente d’une improbable reconnaissance du parent rejetant.
Les allusions et remarques perverses sur l’enfant fonctionnent comme un conditionnement négatif, comme un lavage de cerveau destiné à le rabaisser.
Dans le harcèlement le langage est perverti : chaque mot cache un malentendu qui devient une occasion de piéger l’autre.
Encore plus pervers, le parent rejetant peut utiliser une tierce personne comme un boomerang pour faire éclater les conflits ou retourner habilement les situations en ironisant.

Puisque le parent ne peut socialement tuer l’enfant physiquement, et puisque qu’il faut bien une couverture légale afin de garder une image présentable de soi, le meurtre devient psychique en faisant en sorte que l’enfant ne soit plus rien.
“pas de trace pas de sang pas de cadavre, le mort est vivant et tout est normal.”

Mention spéciale concernant l’inceste latent = à coté de la violence perverse qui consiste à détruire l’individualité de l’enfant, existe des familles à l’atmosphère malsaine : regards équivoques, attouchements fortuits, allusions sexuelles.
Les barrières entre générations ne sont pas posées clairement. Il n’existe pas de frontière entre le banal et le sexuel. On ne parle pas d’inceste dans ce cas, mais de familles “incestuelles”
Les enfants sont alors intégrés comme témoin de la vie sexuelle des adultes.

Dans le couple, c’est le même processus.
Le mouvement pervers apparaît avec l’emprise, quand la dimension affective fait défaut, ou lors d’une trop grande proximité avec l’objet aimé.
L’individu narcissique craint que l’autre ne le quitte. Il s’agit alors de le maintenir dans une relation de dépendance ou même de propriété pour vérifier sa toute puissance. Le partenaire est envahi par le doute et la culpabilité, et doit rester sous l’emprise pour être frustré en permanence. Il est alors nécessaire de l’empêcher de penser, pour éviter qu’il ne comprenne le processus mis en action.

Cette position de flou et d’incertitude a pour objectif de retenir l’autre car le pervers a peur de l’engagement, qui représente pour lui une menace de se perdre dans la relation.
Une tolérance a été postulée par des psychanalystes, de la part de la victime. Hors les victimes n’avaient jamais manifesté de tendances autopunitives auparavant, et n’en manifesteront pas après. Ce type d’interprétation est d’ailleurs dangereux car elle vient renforcer le sentiment de culpabilité du partenaire, le paralysant ainsi davantage.
L’origine de cette tolérance est d’ailleurs plus souvent une question de loyauté familiale, ou d’acceptation d’un rôle réparateur pour le narcissisme du pervers.
Cette tolérance est compris par le pervers comme une marque de faiblesse. C'est aussi une opportunité afin de remettre en cause systématiquement la victime, le pervers en étant incapable en ce qui le concerne.

La victime souhaite comprendre car elle souffre, mais la recherche du dialogue est un échec. Le pervers refuse de considérer la souffrance de la victime.
La violence est alors considérée comme réciproque pour le pervers. La victime veut seulement établir un dialogue. Le pervers culpabilise alors la victime pour cette violence qu’elle occasionne chez lui, en le sollicitant.

Pour que le pervers puisse aimer, il faut aussi qu’il haïsse quelqu’un d’autre, souvent le partenaire précédent. Tout ce qui fait obstacle à une nouvelle relation amoureuse doit être détruit comme objet gênant.
La violence apparaît généralement dans un moment de crise, quand un individu qui a des défenses perverses ne peut pas assumer la responsabilité d’un choix difficile.
Le refus de la responsabilité d’un échec conjugal est souvent à l’origine d’une bascule perverse. Un individu pervers a un fort idéal de couple (idéalisation) et présentera des relations apparemment normales avec son partenaire jusqu’au jour où il doit faire le choix entre cette relation et une nouvelle rencontre. La violence perverse va alors s'exprimer et sera d’autant plus forte que l’idéal de couple était grand. Le pervers ne peut accepter la responsabilité de son indécision et de ses échecs. Le responsable c'est toujours l'autre.

Ce phénomène est fréquent lors des séparations : mais normalement, la haine s’estompe en même temps que s’estompe l’idéalisation du nouveau partenaire.
Chez le pervers, l’amour doit être clivé et entouré de haine.
L’image idéalisée du couple amplifie la haine.

Après la séparation, le mouvement pervers s’accentue, et la violence se poursuit toujours à travers tous liens relationnels qui peuvent exister.
L’envahissement est une spécialité du pervers : attente à la sortie du travail, coup de téléphone jour et nuit, menaces directes ou indirectes, violences. C’est un jeu qui l’amuse, dont il peut se vanter et il rit souvent de ses exactions.
Cependant, ce type de comportement conduit souvent au divorce, ce qui surprend toujours le pervers, car il suppute toujours ironiquement que sa violence est appréciée par la victime.
C'est alors le début d'une série de discorde, de divergence de point de vue. En effet, les divorces avec un pervers narcissique quel que soit celui qui en est à l’initiative, sont presque toujours violents et procéduriers, sans que le harcèlement ne cesse. Celui-ci changera simplement de forme.
Le lien de harcèlement est par exemple maintenu par le biais de lettres recommandées, par l’intervention d’avocats, ou par les procédures qu’offre la justice.
En fait, la victime va tout faire pour se détacher du nuisible qui la harcelle, tout en ressentant une certaine culpabilité. Elle aura alors tendance à se montrer généreuses dans le partage des biens espérant ainsi échapper à l'emprise de son persécuteur.

Légalement, le pervers utilisera tous les moyens pour discréditer la victime, y compris le mensonge ou l'interprétation. Il n’est en effet pas rare que le pervers ayant réussi à pousser son partenaire à la faute se serve ensuite de ce fait pour obtenir le divorce à son profit.
Il n’est pas rare non plus de voir le pervers devant un juge, exprimer sa volonté de nuire à la victime advitam eternam. Ce sera effectivement son unique but dans la vie à partir de la séparation, car le pervers qui ne vit que pour son travail, n'a aucune passion.

Pour le harceleur, la victime est coupable de tout. Inutile de chercher à se justifier ou d’être conciliant, car cela engendre de la culpabilité et accroît la haine.
La victime est de toute façon pitoyable pour le pervers.
Aux insinuations, ne pas répondre est la meilleur option, car la victime est désignée coupable de quelque chose qui n’est pas nommé, mais que le harceleur et la victime sont supposés connaître.

Toute décision de la victime après le divorce notamment concernant le bien être des enfants, seront probablement contestée. Il s’agit de continuer à montrer que la victime est mauvaise (mauvaise mère, mauvais camarade, mauvais amant…), de la remettre en cause, de la faire douter, de l'épuiser, et toujours également de la faire craquer. De manière sous-jacente, le pervers fera tout pour bloquer toute tentative de la victime pour améliorer sa vie, pour changer sa situation ou pour sortir de son emprise, car la relation perverse à l’autre se place aussi dans le registre de la dépendance du pervers envers sa victime. Cette dépendance sera déniée et attribuée à la victime par le pervers.
Ce processus de dépendance s'exprime ainsi: a chaque fois que le pervers exprime consciemment des besoins de dépendance, il s’arrange pour qu’on ne puisse pas le satisfaire : soit la demande dépasse les capacités de l’autre, et le pervers en profite pour pointer son impuissance, soit la demande est faite à un moment où l’on ne peut y répondre. Le pervers sollicite en fait le rejet car cela le rassure de voir que la vie est pour lui exactement comme il a toujours su qu’elle était.
L’envie joue aussi ici un rôle. Le harceleur imagine parfois au départ la victime de manière infantile dans la toute puissance d’un père ou d’une mère. Il souhaite la rabaisser uniquement pour cette raison. Le pervers se présente en fait souvent comme un petit garçon ou une petite fille revendicatif.

Einstein était un pervers narcissique ; excédé par la vie commune avec sa première épouse Milena Maric, mère de ses deux enfants, et ne souhaitant pas prendre l’initiative d’une rupture, il érigea par écrit les conditions draconiennes et humiliantes de la poursuite d’une vie commune (le monde ,19 novembre 1996) :
A. Vous veillerez à ce que :
1) mon linge et mes draps soient tenus en ordre
2) il me soit servi trois repas par jour dans mon bureau
3) ma chambre et mon bureau soient toujours bien tenus et ma table de travail ne soit touchée par nul autre que moi.
B. Vous renoncerez à toute relation personnelle avec moi, excepté celles nécessaires à l’apparence sociale. En particulier vous ne réclamerez pas
1) que je m’assoie avec vous à la maison
2) que je sorte en voyage en votre compagnie
C. Vous promettrez explicitement d’observer les points suivants :
1) vous n’attendrez de moi aucune affection ; et vous ne me le reprocherez pas
2) vous me répondrez immédiatement lorsque je vous adresserai la parole
3) vous quitterez ma chambre ou mon bureau immédiatement et sans protester lorsque je vous le demanderai
4) vous promettrez de ne pas me dénigrer aux yeux de mes enfants, ni par des mots, ni par des actes.

Ici l’abus de pouvoir est clair, il est même écrit, car la personne concernée a du se rebeller.
Mais normalement le pervers est sournois, et fonctionne sur le non-dit, sur le discours lattent. C'est d'ailleurs assez épuisant de chercher en permanence à comprendre ou est-ce que le pervers veut en venir.

III LA COMMUNICATION PERVERSE

Refuser la communication directe consiste à ne pas nommer le conflit qui est agi quotidiennement par des attitudes de disqualification. Rien n’est nommé tout est sous-entendu. L’agresseur refuse d’expliquer son attitude.
Le refus du dialogue empêche en fait de trouver une solution, et d'assurer sa pérennité.
Ce refus permet également d'empêcher l’autre de penser, de comprendre, de réagir.
Lorsqu’il y a des reproches, ils sont toujours flous ou imprécis, pouvant laisser la place à toutes les interprétations ou à tous les malentendus possibles. D’autres fois, ils sont dans le registre paradoxal ce qui permet d'éviter pour le pervers toute réplique. La mise en place de l’emprise utilise des procédés qui donnent l’illusion de la communication. En fait l’autre est manipulé verbalement en étant tenu à l’écart des informations essentielles, ce qui lui donne un sentiment d’impuissance.

Tout va être reproché à la victime par le pervers, ce qu’il déniera en éludant toute explicitation de son attitude, tout reproche et tout conflit ouvert.
Se soustraire au dialogue, est une façon habile d’aggraver le conflit tout en l’imputant à l’autre, de signifier à l’autre qu’il n’existe pas.
Il est fréquent que la victime utilise par exemple une correspondance épistolaire pour se justifier ou demander des explications. Elles resteront toujours sans réponse.
Le fait que la victime augmente leur fréquence, ou qu’elle utilise des accusés de réception, sera alors utilisé contre la victime par l’agresseur, y compris juridiquement pour cause de .....harcèlement.

1 Déformer le langage
Dans la plupart des cas, lors d’une relation inter-personnelle, la voix du pervers est froide, plate, monocorde, sans tonalité affective, qui glace, inquiète, laissant affleurer sous les propos les plus anodins du mépris, des reproches, des menaces ou une dérision empreinte de cynisme et d’ironie.
Même lors d’échange violent, le ton ne s’élève pas. Le pervers laisse l’autre s’énerver seul.
Le pervers accorde énormément d’importance aux termes utilisés, qu’il n’hésite pas à rapporter ultérieurement, tout en faisant preuve d’une mauvaise foi à toute épreuve.
Provoquant le conflit, à un instant X, le pervers éludera le problème en rappelant une situation antérieure susceptible de générer de la culpabilité chez la victime. Le pervers entretient de cette façon une certaine confusion. En sa présence, on n'arrive jamais à définir réellement le problème en cause afin de le résoudre une bonne fois pour toute.
Offrant des propos sans cohésion car son but est de toujours rester maître de la situation, le pervers a également des discours contradictoires sans que cela ne lui pose de problème, tant qu’il arrive à maintenir la victime en porte à faux avec elle-même.
Ce qui importe dans le discours du pervers c’est la forme et non le fond.
Un autre procédé pervers consiste à nommer les intentions de l’autre ou à deviner ses pensées cachées comme si le pervers savait mieux que la victime ses intentions.


2 Mentir
Le pervers utilise d’abord un assemblage de sous-entendu, de non-dits, destiné à créer un malentendu.
Les messages incomplets ou paradoxaux à l’encontre de la victime, correspondent en fait à une peur de la réaction de l’autre. Ces messages ne pourront souvent être compris qu’à posteriori, car l’utilisation de techniques indirectes amène dans un premier temps la victime à douter.
Cependant, Toute dénonciation faite avec justesse par la victime, sera reprise par le pervers pour souligner le caractère inconsistant, mensonger, l’intention nuisible, ou l’instabilité de la victime, voir sa malignité.
Le pervers trouve toujours moyen d’avoir raison, et éprouve au contraire de sa victime beaucoup de plaisir à la polémique, de préférence stérile et en public.
Le mensonge ne devient direct chez le pervers que lors de la phase de destruction. Les mensonges se font alors au mépris de toute évidence, version à laquelle le pervers s’accrochera à tout prix jusqu’a convaincre les autres, y compris souvent la victime. Ces falsifications de la vérités sont parfois très proches d’une construction délirante.
Le mensonge correspond simplement à un besoin d’ignorer tout ce qui va à l’encontre de son intérêt narcissique. Le pervers peut ainsi nimber son discours de mystère afin d’être plus persuasif.

3 Manier le sarcasme, la dérision, le mépris
Le mépris concerne le partenaire haï, ce qu’il pense, ce qu’il fait, mais aussi son entourage.
Il constitue une protection contre des sentiments indésirables.
Plus généralement le mépris et la dérision s’attaquent aux femmes.
Le pervers déni la femme en tant qu’individu, et plus précisément son sexe.
L’attaque se fera en remettant systématiquement en cause le statut de la victime à tous les niveaux : son histoire, son intégrité, son entité, son identité, son altérité, son ipséité, en insistant sur ce qui sera le plus blessant pour la victime, jusqu’a remettre en cause son moi, selon la seconde topique de Freud, et son idéal du moi.

Pour avoir la tête hors de l’eau, le pervers a besoin d’enfoncer l’autre.
Dans ces agressions verbales, ces moqueries, ce cynisme, ces calomnies, il y a aussi une part de jeu : c’est le plaisir de la polémique, le plaisir de pousser l’autre à bout, et à s’opposer.
La provocation est l’arme suprême du pervers qui permet de déstabiliser définitivement la victime, en favorisant son immersion dans un système de violences et de menaces systématiques. Au final la victime culpabilisera, perdra ses repères, se remettra en cause sans pouvoir comprendre que le pervers est un lâche pulsionnel sans scrupule.
Le fait de discréditer, de conspuer la victime et son maintien dans des situations de violence sociale permanente n’a qu’a but : la rendre méfiante et l’isoler, jusqu’a ce que celle-ci soit totalement désocialisée.

Une violence mise en place de façon soudaine ne pourrait que susciter la colère et la réaction. Pour éviter cela, le pervers met en place un système de tests, de manière insidieuse et progressive, afin de voir jusqu’où il peut aller délibérément, sans faire réagir la victime. Une fois que la personnalité et les réactions de la victime sont bien identifiées, le pervers veillera à maintenir la victime sous son emprise, en évitant de donner l’opportunité à celle-ci de réagir, excepté pour faire un passage à l’acte, et ceci lorsqu’il l’aura décidé.

Pour déstabiliser l’autre, le pervers attaque tout ce qu’il peut apprendre de la victime :
- il se moque de ses convictions, de ses choix politiques, de ses goûts,
- ne lui adresse plus la parole et l’isole,
- la ridiculise en public
- la dénigre devant les autres
- la prive de toute possibilité de s’exprimer
- se gausse de ses points faibles
- fait des allusions désobligeantes, sans jamais les expliciter
- met en doute ses capacités de jugement, son honnêteté, et souligne son incapacité à prendre des décisions, ou son irresponsabilité.
Pour cela le pervers peut utiliser les autres, volontaires ou non, mais de toute façon insensibles aux humiliations subies par la victime.

4 User du paradoxe
Le pervers est mu par un paradoxe : la peur du pouvoir de l’autre qui ne peut que l’amener à accroître son emprise.
Lors d’une agression perverse, on assiste à une tentative d’ébranler l’autre, de le faire douter de ses pensées, de ses affects. La victime y perd le sentiment de son identité.
Elle ne peut penser, comprendre. Le but est de la nier tout en la paralysant, de façon à éviter l’émergence d’un conflit. Le pervers peut alors continuer de l’attaquer sans en perdre le contrôle.

On retrouve également le paradoxe sous forme de double contrainte dans son discours. Par exemple : quelque chose est dit au niveau verbal, et le contraire est exprimé au niveau non verbal, qui sera nié par l’agresseur. Le pervers amène l’autre à interpréter. En nommant ses doutes, la victime se fera taxer de paranoïaque.
Le but des messages paradoxaux est de contrôler la victime dans le but de conserver une position dominante, et de faire en sorte qu’elle finisse par approuver.

A la différence d’un conflit normal, il n’y a pas de vrai combat avec un pervers narcissique, pas non plus de réconciliation possible.
La victime s’épuise à trouver des solutions, lesquelles sont de toute façon inadaptées et, quelle que soit sa résistance, elle ne pourra éviter l’émergence de l’angoisse et de la dépression.
Très souvent les messages paradoxaux pourront être décodés, sous forme de prises de conscience, souvent très longtemps après être sorti de l’emprise, en fonction des capacités intellectuelles de la victime, et de sa faculté psychologique à se rétablir, sans conserver trop de séquelles.
Mais cette phase de compréhension passe généralement par un processus de psychiatrisation une fois la victime dépouillée de son humanité, lorsque celle-ci abandonne son statut d’acteur social inhérent à la condition humaine. La victime devient alors à ce moment un légume ou un animal, et sa dépression chronique rend nécessaire effectivement une intervention psychiatrique, si elle ne s’est pas encore suicidée.
Le processus de psychiatrisation ne concernera d’ailleurs pas forcément une dépression. Tout dépendra en fait à la fois du statut du harceleur et de la capacité de résistance de la victime. Paranoïa, trouble maniaco-dépressif, bouffée délirante, delirium tremens, troubles obsessionnels, hystéries, tout est bon pour parachever la destruction de l’autre, qu’il y ait eu passage à l’acte ou non, le summum étant le diagnostic de schizophrénie, lorsque la résistance de la victime fut à toute épreuve, et aussi lorsque le statut du ou des harceleurs est élevé, comme dans les cas des dissidences politiques.

LE HARCÈLEMENT EXTREME
La violence ultime peut aller jusqu’a la captation de l’esprit de l’autre, comme un véritable lavage de cerveau.
Parmi les événements susceptibles d’entraîner des phénomènes de dissociation de la personnalité, mention est faite, dans la classification internationale des maladies mentales, des sujets qui ont été soumis à des manoeuvres prolongées de persuasion coercitive telles que le lavage de cerveau, le redressement idéologique, ou l’endoctrinement, tout cela en captivité.

La dissociation est une pathologie tellement profonde qu’elle atteint le fonctionnement mental normal de la victime, qui sera dans l’impossibilité d’avoir toutes activités intellectuelles, et souvent toutes activités élémentaires. (Se laver, manger, s’habiller...)
On obtient ce type de résultat uniquement dans des cas extrêmes, notamment lorsque la victime, a subi des tortures physiques et psychologiques prolongées en captivité comme :
- le contrôle du sommeil avec alternance de bruit, et de silence profond
- le contrôle de l’humidité, de la sécheresse, du froid et de la chaleur.
- l’isolement de longue durée
- la maîtrise de l’exposition à la luminosité, et à l’obscurité
- la torture de la goutte d’eau chinoise, ou de l’étouffement, (oppressions qui jouent sur les angoisses princeps de l’être humain)
- famine, déshydratation
- violences et tortures physiques répétées
- la réduction de l’autre à l’état animal sur une longue période
- le défaut d’hygiène prolongée

Modifier l’espace où se trouve la victime sans la changer physiquement d’endroit, permet de perturber à volonté ses repères temporels et spatiaux, internes et externes.
L’efficacité de ce traitement est foudroyante. Agir sur la cellule qui contient l’individu, c’est agir sur le corps contenant l’esprit de l’individu, et au final sur son esprit, et son équilibre mental.
La dissociation est obtenue de façon assurée, lorsque le détenu, placé en situation de quarantaine de manière répétée, dans le noir et dans le silence pendant plusieurs jours, répond de manière positive à l’appel de son nom ou à des suggestions effectuées par l’intermédiaire de micros placés dans sa cellule. Le détenu après plusieurs années, de ce traitement finira par perdre la conscience qu’il a de lui-même. Il répondra alors à cette voix, comme à un interlocuteur faisant parti de lui, sans en prendre conscience. A ce moment là, le détenu ne se lavera plus lorsque la possibilité lui en sera donnée, pourra manger ses excréments, se mutiler, passage à l’acte extrêmement fréquent dans les cas de dissociation, ou se suicider. Généralement ce type de traitement est appliqué au dissident politique disposant d’une certaine notoriété publique, au sein des régimes fascistes.

Contrairement à la perception que peut en avoir la conscience populaire, la dissonance ou la dissociation (et plus globalement la schizophrénie), est un syndrome qui n’a rien à voir avec le symptôme du dédoublement de personnalité.

Le dédoublement de la personnalité ou double personnalité, est un état second, d’origine hystérique, caractérisée par l’apparition alternante de personnalités distinctes chez un même sujet. Le patient dans ce cas est convaincu (et donc conscient), qu’il existe en lui plusieurs personnages différents vivant à tour de rôle ou simultanément, chacun pour soi, une vie totalement différente. Il s’agit d’une véritable atteinte à l’unité de la personnalité, et non à l’unité psychique, qui paradoxalement n’entrave pas l’adaptabilité sociale du patient, sans rien ôter à sa dangerosité.

La dissonance ou syndrome dissociatif est au contraire constitué par une série de symptômes. Elle révèle un rejet du corps par l’esprit en terme religieux par exemple, une “dépression anaclitique” du signifiant par le signifié en terme psychanalytique, une séparation du contenant par le contenu, un abandon du matériel par le culturel, du charnel par le spirituel, du trivial par la pensée, de la nature par la civilisation, de l’externe par l’interne, de l’animalité par l’humanité, du symbole par le sens, du réel par l’imaginaire, du substrat par le principe, du concret par l’abstrait, du tout par la partie, du sensuel par le rationnel, de l’émotion par le sentiment, du désir par le fantasme (d'ou l'absence d'activité sexuelle des schizophrènes), de la conséquence par la cause, de la culpabilité par l’éducation, du vécu par l’expérience, du pragmatique par l’empirique, du systémique par l’analytique, de la valeur par le coût, du prix par l’argent, de l’usufruit par la propriété, de l’instinct par la loi, du social par l’altérité, mais surtout la dissonance est l’abandon de l’entité par l’identité ou plus simplement de la substance par la conscience.
La dissonance, c’est tout cela car cette démission du patient vis à vis de la réalité, touche toutes ces sphères qui font qu’un être humain est humain.
Si vous n’avez pas tout compris, bien qu’on ne puisse pas faire plus simple, la dissonance schizophrénique est un abandon total du corps par l’esprit. Du grecque, Skhizein qui signifie fendre et Phrênos, qui signifie pensée. Il ne faut pas comprendre, pensée fendue en deux, mais séparation du corps et de la pensée. C'est pour cette raison que ces patients n'ont pas d'hygiène, de repères temporels, de sexualité, ou d'activité sociale, absence de socialité qui n'a rien à voir avec l'isolement dû à une situation économique critique, ou à une quelconque opprobe, mais à un retrait dans un imaginaire mystique.

Tout cela est bien sur la forme paroxysmale du harcèlement, et les conséquences ultimes qui peuvent en découler. On notera cependant la proximité de la cruauté entre cette dernière, et les formes plus conventionnelles du harcèlement.